El mundo en la cabeza de un estudiante en torno a 1500: Hernán Cortés.

La reciente publicación del libro del profesor Christian Duverger, Crónica de la eternidad, en el que atribuye a Cortés la autoría de la historia verdadera de la conquista de la Nueva España, destronando a Bernal Díaz del Castillo, hace oportuno recuperar este librito compuesto en el año 1992, en el tiempo del V centenario.

Arroyo Zapatero L., El mundo en la cabeza de un estudiante en torno a 1500. Hernán Cortés.

Délits et peines dans Don Quichotte.

Délits et peines dans Don Quichote

Luis Arroyo Zapatero

Traduction de: Prof. Dr. Cécile Vilvandre

 Cervantès n’était pas juriste et encore moins criminaliste, mais c’était un grand connaisseur de la justice et des criminels, connaissances qu’il a reflétées avec un esprit critique -encore une fois en avance sur son époque- dans Don Quichotte et dans bien d’autres de ses œuvres.

Le texte le plus approprié pour un pénaliste est sans doute le chapitre vingt-deux de la Première partie, intitulé «de la liberté que rendit Don Quichotte à quantité de malheureux que l’on conduisait contre leur gré, où ils eussent été bien aises de ne pas aller », c’est-à-dire, le chapitre des galériens, chapitre bien trempé, munitions de bouche pour les idéologies opposées des cervantistes dissertant sur la pensée politique de Cervantès1; en outre, selon l’avis autorisé de Rodríguez Marín2, nul autre chapitre de Don Quichotte ne présente autant de difficultés pour son bon entendement que celui-ci.

La peine des galères

Ainsi, l’intérêt de ce travail pourrait bien être de retracer quelle était la condition de galérien, l’origine et l’évolution de la peine des galères et les délits qui y condamnaient.

En dépit des apparences, aucun délit ne l’a partout et toujours été, le Droit pénal n’est pas non plus un Droit « naturel », aussi la peine des galères commença-t-elle par ne pas exister. Au tout début du XVIème siècle, les peines prévues pour les délits sont généralement la peine de mort, les peines corporelles à différents degrés, en particulier celle de la mutilation et du fouet, les peines pécuniaires comme l’amende et les confiscations3.

Le Droit pénal de l’Ancien Régime se caractérise par sa méconnaissance de la prison et de la privation de la liberté en tant que peines proprement dites. Le séjour en prison est un simple stade provisoire en attendant le jugement ou la peine, la peine de mort, le fouet ou le bannissement4. Il s’agit là d’une situation logique et conforme à l’époque, car les peines sont une privation des droits fondamentaux, et pour que surgisse la peine de prison, la liberté en tant que droit fondamental devait naître préalablement et pour cela il a fallu attendre 1789, toute une révolution qui illumine une nouvelle conception de l’homme et du citoyen.

Par conséquent, on ne doit pas s’étonner qu’à ce jour, ceux qui exercent la justice, nous réclamions que les peines de prison soient remplies dans des habitacles dignes, propres et sans entassement. Il ne s’agit pas seulement d’une preuve de piété ou de miséricorde envers les forçats mais d’exiger ce qui fait partie du concept : la prison doit simplement supposer la privation de liberté. Pour cela on doit respecter l’intimité en prévoyant des cellules individuelles, pour cela on doit permettre l’accès aux médias, à la presse et à la télévision, pour cela on ne doit pas exclure la visite matrimoniale, etc. La prison ne doit pas être un lieu « où toute l’incommodité a sa place et où tout triste bruit s’est installé à demeure »  tel que le décrit Cervantès en faisant allusion à l’une de celles où il engendra son œuvre.

L’origine de la peine des galères se situe généralement dans une pragmatique de l’Empereur Charles Quint du 31 janvier 1530. Avec celle-ci, le Roi-Empereur autorisa sa justice à remplacer ou à commuer certaines peines par le service aux galères royales5. Depuis lors les châtiments corporels les plus graves, les mutilations et les bannissements à perpétuité pouvaient être commués par le service aux galères pour plus de deux ans. Et non moins, car on considérait que le temps d’instruction à la rame durait au moins un an. En 1552 l’Empereur remit l’institut au goût du jour et étendit à d’autres délits la faculté substitutive en mentionnant comme délits spécialement appropriés à un tel procédé, les larcins qualifiés, les vols, les brigandages et les violences.

À mesure que le danger turc augmentait en Méditerranée et avec lui la nécessité et l’effectif des meilleures embarcations pour cette guerre -les galères-, l’éventail des délits s’élargissait dont la punition méritée de droit ou par commutation était la condamnation aux galères. Un exemple significatif de cette tendance est une Pragmatique de Philippe II, quelques années avant la grande bataille navale de Lépante, en 1566, une année après la grave confrontation entre Algériens et Turcs au large des côtes de Malte.

À la suite de cette pragmatique6, le premier larcin d’un voleur fut puni de 6 ans de galères. Jusqu’alors ce premier larcin condamnait au fouet et à payer le septuple, et n’étaient envoyés aux galères que ceux qui manquaient de moyens pour payer ladite amende. Les vagabonds étaient considérés comme des voleurs. Castillo de Bovadilla7 proclame que « celui qui vole le pain des pauvres est comme le paresseux qui est sain et mendie de porte en porte ». D’ailleurs pour mendier et pour voler, on en prenait pour quatre ans de galères, ajoute-t-il ; et il poursuit : les bigames passèrent du châtiment corporel à 10 ans de galères et les ruffians en prenaient jusqu’à 10 ans. Les entremetteurs y allaient aussi bien que la durée fût moins longue; les adultères et les homosexuels échangèrent aussi le bûcher contre les galères. Les faux témoins cessèrent de perdre leurs dents sous l’action des tenailles pour passer dix ans en mer de même que les blasphémateurs; et les jureurs, à qui on cessa de clouer la langue contre 6 ans de galères8.

C’est aussi SEVILLA SOLANS9 qui nous révèle, en lisant sur les inventaires des galériens, qui se trouvaient aux archives de l’Ordination de la circonscription maritime de Marina de Cartagena, que bon nombre de gens étaient envoyés aux galères pour des vétilles : pour avoir joué aux boules à la fête foraine, pour avoir giflé autrui à pleines mains lors d’une procession, pour avoir manqué de respect à sa mère et à la justice, pour avoir rendu la vie dure à sa femme, mais aussi, l’affaire devenant plus grave, pour avoir prétendu l’étouffer sous les matelas du lit ou pour avoir incendié la prison…

L’impressionnante bureaucratie de la Maison d’Autriche et son œuvre qui subsiste aux Archives de Simancas ont permis de fournir ces statistiques. Le Professeur de Las Heras Santos, sur plus de 40 listes de galériens qui regroupent 3800 forçats, conclut que la composition juridique des galériens était la suivante : 40% de larrons et voleurs, 25% d’homicides et de causeurs de torts, auteurs de graves infamies 5%, et autant pour les petites infamies, errants 4%, divers 11% et provisoires 10%10. D’autre part, sur l’ensemble des détenus dans le Royaume de Castille, 80% était condamné aux galères11. Un sur cinq était condamné aux galères à perpétuité, bien qu’il ne purgeait habituellement pas plus de dix ans de peine12. Pour les autres la durée moyenne de la navigation de plaisance en Méditerranée était de six ans, les condamnations les moins graves s’élevant à au moins 3 ans, généralement toujours précédées du fouet. D’où tient son origine l’expression « fouet et galères » pour parler du repas ordinaire.

Nous pouvons imaginer les difficultés et les dépenses que supposait la conduite des condamnés à n’importe quel port de destination, qui fut d’abord celui de Malaga et plus tard aussi Carthagène et Puerto de Santamaría. C’est une disposition de 1557 de Philippe II qui indique en détail les points de destination en fonction de ceux d’origine : ceux provenant de Galice passeront pas Villafranca, Valladolid et Ségovie pour être conduits à Tolède et, finalement à Malaga ; ceux de León, Oviedo, Salamanque, Palencia, Ciudad Rodrigo et Zamora, à Valladolid pour être aussi envoyés à Malaga ; ceux de Burgos, Calahorra, Osma, Siguënza et de Navarre, à Soria et de là à Carthagène ; Avila, Ségovie, Tolède, Madrid, Alcalá et Guadalajara, de nouveau à Tolède pour leur expédition à Malaga ; ceux de Placencia, Coria, Badajoz et Cadiz, à Séville pour leur remise à Puerto de Santa María ; Cordoue, Jaén et Grenade de nouveau à Malaga, et ceux de Cuenca à Carthagène.

Tolède a été identifiée à juste titre comme le lieu d’origine de nos galériens. Et ceci n’est pas seulement dû au fait que l’un d’eux cite la place de Zocodober.

L’ordre juridique ne manquait pas non plus de la prévision nécessaire à la surveillance des forçats et aux cas de leur libération illicite. La Pragmatique de 1544 ordonne que les conduites des forçats aux galères « soient menées sous bonne garde, de telle sorte qu’ils ne puissent s’éloigner et s’enfuir, et qu’ils soient menés en toute sûreté pour être remis aux endroits et aux emplacements qui sont ordonnés ». Dans la même disposition on excluait le galérien du privilège d’immunité pour trouver refuge dans un lieu sacré, et à l’auteur de la fugue par faute ou par négligence, on infligeait une amende de 100 ducats pour chaque forçat enfui, amende qui était destinée à l’achat d’un esclave de remplacement, ce qui réaffirme le caractère utilitaire de cette peine aux galères. Mais ceci ne concernait que la délivrance par négligence et non pas la rébellion, ce dont il est question dans Don Quichotte.

La vie dans les galères

Les galères représentèrent pour la vie publique la sécurité et l’agilité dans les relations commerciales entre les pays riverains, et furent pour la guerre l’instrument qui libérait de la soumission aux vents la soif de victoire des amiraux sur les hommes et sur les choses. Mais pour ceux dont le destin était de faire avancer les vaisseaux à la force de leurs bras et de leurs corps en tirant sur les rames, les galères n’étaient qu’un « enfer flottant », telles que les qualifie Gregorio Marañón dans son étude médico-sociale sur les galères13. Dans cette dernière, il déclare en citant le docteur Alcalá que « la vie du galérien est une vie proprement infernale ; il n’y a aucune différence entre l’une et l’autre si ce n’est que l’une est temporelle et l’autre est éternelle ».

Les galériens purgeaient leur peine enfilés à une chaîne qui les alignait en rangs sur les bancs du vaisseau, sans qu’ils ne soient jamais délivrés de leurs fers fixés à leurs pieds, sauf lorsque le garde-chiourme ôtait les chaînes du cadavre du forçat. Nourriture, sommeil et physiologie, tout se faisait « à la chaîne » et sous la communauté des fers. Sans jamais pouvoir se déplacer plus de deux mètres par rapport au banc, avec les rames pour unique exercice, pratique accompagnée et rythmée par le recours systématique au fouet du comite.

Une fois arrivés après la longue et pénible excursion sur le banc, voici ce que Guzmanillo de Alfarache nous raconte14 sur leur sort : on leur donnait les « vêtements du roi » qui étaient l’uniforme de « la chiourme »15, grègues en toile, gilet rouge, manteau grossier et bonnet rouge aussi ; après leur avoir rasé la barbe et la tête, on les mettait aux fers et on les renchaînait. Ensuite on leur donnait le biscuit des galères, vingt-six onces, qui était un gâteau sec élaboré à base de pain à moitié fermenté, pétri en forme de petite galette, cuite par deux fois pour la dessécher et éviter sa fermentation pendant les longues traversées, une sorte de pain intégral nous dit Marañón. Le biscuit était si dur que les vieux galériens attendaient avec satisfaction de voir les nouveaux essayer de le croquer, expérience où, de coutume, ils se cassaient les dents, ce qui les portait à le mouiller dans le « potage », nom que recevait, à cette époque, toute cuisson de légumes secs, en principe, des fèves, qui étaient les plus ordinaires, et aussi les moins appréciés. Il semble que pour que la cuisson soit composée de pois chiches, il fallait au moins gagner la bataille de Lépante. Mais ce menu si frugal, en raison de la rétention du déficit public, s’était réduit à une triste soupe appelée « mâchemoure », une sorte de consommé avec les restes du biscuit. C’était au plus ce qu’ils recevaient pour dîner16.

Contrairement à ce que pensent certains mécréants, aux enfers, s’il en est, la discipline existe, et aux galères aussi17 : on prend soin d’appliquer les ordres de punir vols et larcins, blasphèmes et péché de sodomie18, ainsi que d’autres nombreuses bagatelles, comme d’introduire aux galères « tabac pour fumer », femme légitime ou autre, ainsi que d’égarer un habit. Les coups sont la pharmacopée la plus habituelle. Guzman le raconte bien: « chacun reçut cinquante coups de fouet qui faisaient sauter, en les dressant, les nerfs de bœuf sur lesquels la peau restait collée »19, coups dont on assénait le coupable et tous ceux qui se trouvaient autour, pour être sûr de l’atteindre, et pour que chacun en tire sa propre leçon. Les coups pouvaient venir seuls ou accompagnés d’une prolongation de peine aux galères. Les révoltes étaient les plus mal considérées, et recevaient la peine de mort, dont l’exécution admettait la mise en scène la plus violente. Le récit de Guzman parle pour tous ceux qui reçurent les condamnations suivantes : « On condamna Soto et un autre compagnon, qui étaient les chefs de la révolte, à être écartelés par quatre galères. Cinq furent pendus; et beaucoup d’autres inculpés furent condamnés à vie aux galères, après avoir été publiquement fouettés tout autour de la flotte »20.

Galerie de portraits de galériens

Voici quel est le panorama pénal que connaît et reflète Miguel de Cervantès, à travers la description de 6 des 12 forçats enchaînés auxquels Don Quichotte rendit la liberté. Souvenons-nous de ces portraits :

Le premier des interrogés, âgé de 24 ans et natif de Piedrahita, était condamné à 3 ans fermes aux galères, c’est-à-dire, trois ans pleins, non réductibles, et ceci pour « avoir été amoureux ». Notre héros amoureux en reste tout étonné : «Est-ce tout ? Eh bien, si l’on vous condamne aux galères parce que vous êtes amoureux, il y a longtemps que je devrais y tirer la rame ». Mais comme le galérien expliqua, il fut pris de tendresse pour un panier de linge. Comme c’était du «flagrant délit », on ne le fit pas passer aux aveux sous la torture, et l’affaire fut vite réglée ; ainsi il s’était retrouvé aux galères après en avoir eu pour cent coups sur les épaules, cent coups de nerf de bœuf, la « centaine habituelle » du Lazarillo de Tormes.

Le deuxième ne répondit pas à Don Quichotte tant il était abattu, mais le natif de Piedrahita, plus disposé, lui expliqua : «Lui, il va aux galères parce que c’est un canari et qu’il a trop chanté ». Il chanta sous le supplice de l’eau qui consiste à boucher les narines du condamné avec un linge qui lui couvre la bouche pour y verser de l’eau à flots, jusqu’à ce que linge et eau soient emportés jusqu’aux entrailles.

À dire vrai ce qui est le plus surprenant et repoussant du Droit pénal de l’Ancien Régime n’est pas tant la brutalité des châtiments propre à l’atavisme des hommes de cette époque, et même de la nôtre lorsque les cordes de ce faible celluloïd qu’est la civilisation, se relâchent. Ce qui est le plus surprenant est que des personnes raisonnables, à l’esprit cultivé, puissent assumer, comme une chose logique et naturelle, que la pratique de la torture soit la méthode correcte de la recherche de la vérité. Comme s’il n’était pas évident que, sous la torture, même les plus innocents21 déclarent leurs fautes. Le garde dit avec raison, et ceci même constitue une critique cervantine du système: « un délinquant a bien de la chance quand il n’y a pas de preuves ni de témoins contre lui, et qu’il a sa vie ou sa mort au bout de la langue ».

Le troisième forçat répondit à Don Quichotte qu’il s’en allait faire une visite de cinq ans au grand pré, faute de dix ducats, parce que s’il les avait eus «il aurait pu graisser la patte au greffier et réveiller l’esprit de l’avocat », ce qui renferme le reproche de Cervantès à une Administration de Justice livrée à la corruption22.

Le quatrième des interrogés impressionna et impressionne à cause de sa «vénérable figure avec une barbe blanche qui lui tombait plus bas que la poitrine ». Son délit était d’être maquereau avec en plus une pointe de sorcellerie, «courtier avec l’argent des autres, et même avec leur corps », comme expliqua le suivant. Cet honnête homme a été condamné à quatre ans de galères, après avoir été promené dans les rues «à cheval, en habit de fête et en grande pompe ». Ici Cervantès en profite, avec Don Quichotte, pour rompre une lance en faveur de la légitimité du commerce du corps et de ses courtiers, «métier qui exige beaucoup d’habileté et des plus utiles dans un état bien ordonné»23. Malgré d’aussi bonnes que de succinctes raisons –Don Quichotte dit bien qu’un jour il en parlera « à quelqu’un qui pourra s’occuper efficacement de la chose »-, le Code continua d’infliger, jusqu’à une époque récente, aux si singuliers « courtiers de commerce », si d’autres circonstances aggravantes n’intervenaient pas, une peine de 2 à 6 ans de prison et d’une amende. D’ailleurs le maquereau a dû attendre pour sa liberté le Code pénal de 1995, à condition de ne s’intéresser qu’aux plus de 18 ans et sans qu’il y ait d’abus.

Je dis, en passant, que la promenade par les rues habituelles de la ville, emplumé et coiffé d’un saint-béni , monté sur  un âne ou sur une monture à peine plus noble, avec un cortège et des annonces à haute voix, était la pénitence commune pour les sorcelleries à deux liards. La caroche ou mitre en papier était très variée. Ces ornements faisaient allusion au délit commis. Elle était indiquée pour les maquerelles. En ma condition personnelle de Recteur, il convient de se souvenir, avec Rodríguez Marín, de ce passage de l’École de Célestine (La Escuela de Celestina) de Salas Barbadillo :

<<La Rectrice Célestine

De notre Université

A tant d’autorité

Qu’elle est sur le point de devenir évêque.

Et je présume même qu’elle l’a été,

Et cela plus à propos ne peut venir ;

Car là où elle porte son bonnet

Je pense qu’elle a porté la mitre.>>

Le cinquième était étudiant et était habillé comme tel. Il était condamné à six ans de galères pour avoir pris trop de bon temps avec deux cousines germaines et deux autres filles qui étaient soeurs, mais pas les siennes. Il s’y était soumis et résigné, comme s’il savait que cette vocation pour l’accroissement de la famille et pour le plaisir qu’elle procure, devrait attendre jusqu’en 1978 pour qu’elle devienne libre de toute peine.

La fresque criminologique que peint Cervantès termine avec celui qui couronne le tout, Ginès de Passemont, condamné à 10 ans, au regard un peu croisé –parce qu’il louchait-, rusé et fieffé coquin, marqué plusieurs fois au fer, c’est-à-dire récidiviste, auteur de sa biographie qui peut damer le pion au Lazarillo de Tormes, bien que le manuscrit soit resté inachevé car sa propre vie l’est aussi. Mais encore, Ginésille est un forçat chevronné, car pour servir Dieu et le Roi, il y était déjà resté quatre ans, connaissant bien le goût du biscuit et du nerf de boeuf, ainsi que le temps libre où il n’y a pas lieu de ramer. En définitive, un homme d’esprit, bien que coquin, un homme d’esprit malchanceux. Lui-même le dit : « La malchance s’acharne toujours sur les gens d’esprit ».

Ici s’achève le portrait et Don Quichotte commence sa célèbre allocution : «De tout ce que vous venez de me dire, mes très chers frères, je découvre clairement que, bien qu’on vous ait punis pour vos fautes, les châtiments que vous allez subir ne sont pas fort de votre goût, et qu’enfin vous allez aux galères tout à fait contre votre gré…» et il poursuit, pour la suite du texte, je me permets d’insister sur une seule phrase : « c’est, à vrai dire, une chose monstrueuse de rendre esclaves ceux que Dieu et la nature ont faits libres. »

La phrase n’a pas vieilli. Elle a été traduite dans la Science Pénale par ce que l’on appelle Abolitionnisme, idée utopique et donc ennuyeuse, mais comme toute utopie, référence toujours nécessaire pour s’opposer à la misérable réalité accompagnée de son congénère pragmatisme. Il faut toujours tenter d’aller plus loin avec une ardeur quichottesque, même si nous finissons comme lui roués de coups, et dans l’obligation de nous exclamer devant nos Sancho avisés : «Toujours j’ai entendu dire que faire du bien à la canaille, c’est jeter de l’eau dans la mer… prenons patience pour le moment, et tirons expérience pour l’avenir » Et il est vrai, comme l’affirme Guzmanillo de Alfarache à propos de celui qui l’a trahi aux galères, «on ne finit presque jamais aux galères pour avoir donné l’aumeône ou pour avoir prêché la foi du Christ aux infidèles ; tous ceux-là y ont été conduits à cause de leurs fautes et pour avoir été les plus grands voleurs que l’on n’ait jamais vus en Espagne et en Italie »24.

Cela doit servir de leçon, certes, mais pour prendre le temps de réfléchir, et de trouver la juste mesure correspondant à chaque époque. Le fait de remplacer la mort ou la mutilation par une peine de galères temporaire ou à perpétuité devait paraître à certains, à leur époque, une preuve de faiblesse de la part du gouvernement et la ruine de la Justice, comme le pensent aussi certains aujourd’hui, à propos de la diminution des longues peines traditionnelles par des peines plus courtes qui soient tenues, des autorisations de sortie, et du régime ouvert. Les peines doivent s’adapter à la valeur que détient, à tout moment, le bien dont on nous prive. Les peines doivent être utiles et non pas être une simple honte. L’utilité fut découverte, jadis, dans le déplacement des galères du Roi. Aujourd’hui l’utilité consiste, selon la Constitution, à éviter que ceux qui ont commis un délit retombent dans les mêmes crimes, et que ceux qui ne l’ont pas fait, tombent dans la tentation.

Mais nous ne pouvons pas conclure la référence aux galères et aux forçats cervantins sans nous rapporter à celles et à ceux qui sont nés aussi du jugement d’utilité, en projetant le nomen originaire sur une autre réalité à laquelle je me sens attaché en raison de la juridiction académique de l’Université de Castilla- La Mancha: les forçats de l’industrie, en particulier ceux des mines d’Almadén.

Cervantès n’a pas seulement été l’homme de lettres qui a connu et côtoyé, pour mieux les décrire, les galères et les galériens. Mateo Alemán en a été aussi spécialiste et il le démontre dans son Guzmán de Alfarache. Nous devons à Germán Bleiberg25 la découverte, transcription et étude de l’expérience personnelle de Mateo Alemán qui a inspiré le précieux exposant de la littérature picaresque. Non pas en prisonnier mais plutôt en juge visiteur, Alemán a connu et a raconté, avec une fidélité digne d’un moderne magnétophone, les conditions de vie des forçats et des esclaves des Mines d’Almadén. Mais cela est une autre histoire que je réserve pour une autre occasion.

Je souhaiterais terminer en soulignant que la peine des galères a été abolie quand celles-ci sont devenues obsolètes et inutiles pour la navigation du fait qu’elles étaient désormais trop vieilles et peu nombreuses. Le 18 janvier 1749, leur service est annulé par le Procureur du Conseil du Roi, et le 20 juin le Marquis de la Ensenada ordonne que les délinquants qui étaient jusqu’à présent condamnés au fouet et aux galères soient dorénavant envoyés aux mines d’Almadén ou au Bagne en Afrique26.

NOTES

1Vid, OSTERC, Ludovic, El episodio de los galeotes o la crítica cervantina conservadora rediviva, dans « Sábado », supplément du journal « Unomásuno », Mexico, 6 mai 1989.

2 Cfr. RODRIGUEZ MARIN, Francisco, El capítulo de los galeotes. Apuntes para un estudio cervantino, Conférence à la Junta de Ampliación de Estudios, Madrid 1912, p.6.

3 Sur le Droit pénal de l’Ancien Régime v. TOMAS Y VALIENTE, El Derecho penal del Antiguo Régimen. (Siglos XVI-XVIII). Madrid 1969. Pour le système des peines esp. P.353 et ss.

4 Vid. GARCIA VALDES, Estudios de Derecho penitenciario, Madrid, Tecnos, 1982, esp. P. 30 et ss ; DE LAS HERAS SANTOS, J.L., La Justicia penal de los Austrias en la corona de Castilla, Salamanca 1991, p.265 et ss. D’abondantes citations doctrinales depuis Rome peuvent être consultées dans CASTILLO DE BOVADILLA, Política para Corregidores, Anvers 1704, Livre III, Chap. XV, lui-même dit : «la prison étant, comme elle l’est habituellement, pour la garde et la surveillance des prisonniers, et non pas pour leur infliger torture et peine cruelle… ». Cette oeuvre est une bonne source pour la connaissance de la mentalité d’un juge pénal de l’époque, tel que l’a vu TOMAS Y VALIENTE dans Gobierno e instituciones en la España del Antiguo Régimen, Madrid 1982, p.179 et ss, dans le chapitre consacré à Castillo et intitulé « Semblanza personal y profesional de un juez del Antiguo Régimen ».

5 Pour la peine des galères vid. SEVILLA Y SOLANAS, F., Historia penitenciaria española. (La galera). Tipografía del Adelantado de Segovia, Segovia 1917 ; RODRIGUEZ RAMOS, L., La pena de galeras en la España moderna, dans Libro Homenaje a J. ANTON ONECA, Salamanca 1982, p.523 et ss ; TOMAS Y VALIENTE, El Derecho penal…, cit., p.390 et ss ; ROLDAN BARBERO, Historia de la prisión en España, Barcelona 1988, p.9 et ss ; DE LAS HERAS SANTOS. Ob. cit., p.304 et ss. Sur le panorama universel de la galère en tant que bateau mais aussi en tant que peine vid. ZYSBERG/BURLET, Gloria y miseria de las galeras, Ed. Aguilar, Madrid, 1989.

6 Cette pragmatique est reproduite dans TOMAS Y VALIENTE, El Derecho penal…, cit., p.455 et ss.

7 Castillo de Bovadilla, cit., II, chap. XII, nº 3.

8 V. dans SEVILLA, cit., p.30 et s. Un catalogue des substitutions de peines par celle des galères et un catalogue postérieur de la peine des galères comme peine directe, extrait de la Novísima Recopilación.

9 Ob. cit., p.61 et ss.

10 Ob. cit. p.306.

11 Ob. cit. p.279.

12 Différents Ordres datant de différentes époques répètent ce que stipule la Dépêche Royale de septembre 1653 : que les peines des galères seront toujours considérées d’une durée de dix ans… par compassion…, v. dans SEVILLA, ob. cit., p.33, aussi ici : pour un minimum de deux ans : on prolongeait la peine s’il y avait récidive pendant la durée de la condamnation.

13 MARAÑON, Gregorio, Vida e Historia, Madrid, Austral, nº185, 9ªed., 1968, p. 95 et s.

14 Mateo ALEMÁN, Guzmán de Alfarache, ed. De Francisco Rico, Barcelona, Planeta, 2ª ed., 1987, 2ª parte, III, 8, p. 881 et notes.

15 Chiourme « La troupe des forçats d’une galère. Une bonne chiourme. La chiourme est forte. Renforcer la chiourme », Le dictionnaire de l’Académie françoise, dédié au Roy, (2 volumes), tome premier, 1ère édition, 1694.

16 V. sur ce régime diététique MARAÑON, ob cit., p. 99 et ss. SEVILLA raconte les applications que recevaient les efforts d’économie, p. 161 : frais de communions générales, aumôniers, gestion à l’hôpital des forçats, etc, tout était toujours très minutieusement justifié, au compte-gouttes.

17 V. les textes dans SEVILLA, ob. cit. p. 71 et ss.

18 Le péché et délit de sodomie était alors très mal vu, Antonio Gómez, brillant juriste du milieu du XVIème définit le péché de sodomie comme accès charnel qui n’est pas assimilable au coït naturel et à l’engendrement au sein de l’espèce, ce que relève TOMAS Y VALIENTE avec d’intéressantes considérations et une bonne littérature dans El crimen y pecado contra natura, en Sexo barroco y otras transgresiones premodernas, Madrid, Alianza, 1990, p. 33 et ss.

19Mateo ALEMAN, Ob. cit., p.888.

20 Il s’agissait de la version marinière de l’écartèlement par quatre chevaux , bien que Damiens, l’agresseur de Louis XV, le fut par six.

21La critique de la torture a définitivement pris corps avec le mémoire de BECARIA dans son De los delitos y de las penas, qui apparaît en 1764, dix ans après en Espagne. Une dernière édition de cette oeuvre, avec un prologue de Tomás y Valiente relève du Ministère de Justice, Madrid, 1993. Sur la torture en Espagne vid. MARTINEZ DIEZ, G., La tortura judicial en la legislación histórica española, dans Anuario de Historia del Derecho Español, XXXII (1962), p. 223 et ss.

22Sa raison principale s’explique par le propre système: la rétribution des juges était calculée en fonction de leur participation aux peines pécunières imposées par eux-mêmes, vid. TOMAS Y VALIENTE, El Derecho penal., p. 163 et ss. La critique cervantine envers la corruption de la justice est fréquente, ainsi dans La ilustre fregona : « Que la graisse n’en vienne pas à manquer pour graisser la patte à tous les ministres de la justice, car s’ils ne sont pas graissés, ils grincent plus que les charrettes des boeufs ».

23Vid. sur ce point REDONDO, A., De las terceras al alcahuete del episodio de los galeotes en El Quijote (I,22). Algunos rasgos de la parodia cervantina. Dans Journal of Hispanic Philology, XIII,2,1989,p.135 et ss.

24Mateo ALEMAN, Ob. cit., p.903.

25BLEIBERG,G., El « informe secreto » de Mateo Alemán sobre el trabajo forzoso en las minas de Almadén, dans Estudios de Historia Social, Madrid, nº2-3, 1977,p.357-443, et récemment José Antonio PRIOR CABANILLAS, La pena de minas : los forzados de Almadén, Universidad de Castilla- La Mancha, Ciudad Real 2003.

26V. SEVILLA, cit., p.36 et ss, et p.228 et ss.

Francisco de Goya: against the cruelty of the penal system and the death penalty.

In 1800, when Francisco de Goya unveiled the splendid portrait of the family of Charles IV before the Spanish Court, the artist had already reached full maturity and, together with the King, had already seen too much, although not everything. It is not at all easy to form an idea of what a King, whom even the ferocious critic Blanco White had described as a good person…

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Peralvillo, lugar de ejecuciones capitales.

Sorpresa es lo que se llevan al llegar a Peralvillo los que camino a Toledo desde Andalucía conocen La Mancha  sólo de referencias o de la literatura. Gente hay que cree que La Mancha es como su nombre dicen que indica: seca como un páramo. Es más, los hay leídos, que saben que el Quijote es un libro en el que apenas llueve,  y piensan que siendo el nuestro un reino de la literatura, en La Mancha ni hay agua,  ni llueve. Así pues, no cejan de sorprenderse los que tras pasar Ciudad Real se asoman al brazo de mar con el que  uno se topa cuando busca el Molino del Emperador y la vista se llena del Piélago maravilloso, Piélago que de modo natural viene dotado por el río Bañuelos y al que reprieta el Guadiana  y todo ello se arremansa por la obra humana del embalse del Vicario. Todo es en estos años que tanto llueve como un documental de naturaleza   de canal de pago. No se harta uno de tanta maravilla suelta que se disfruta sin costar un duro: garzas, garcillas y garcetas, puestas allí como por el Ayuntamiento para solaz de los paseantes; los patos –azulones y colaraos- se levantan por parejas al paso del caminante; Las garzas imperiales observan ceñudas y de reojo lo que circula a su alrededor. Hay un incesante tráfico de seres en dirección a todos los puntos cardinales. Que sensación más placentera, cortar el agua por la presilla desde la carretera hasta el otro lado.

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La prohibición de las penas crueles e inhumanas y la abolición universal de la pena de muerte

Para un país como el nuestro, cuya historia contemporánea desde 1800 ha podido estar representada demasiado tiempo por el Duelo a garrotazos de Francisco de Goya, de entre la pinturas negras, y  en el que se ha matado a sangre fría y con saña por el Estado y sus pretendientes, el hecho de que en los días 12 a 15 de junio de este 2013 se celebre en Madrid el V Congreso Mundial contra la pena de muerte no puede por menos que inspirarnos una cierta satisfacción en estos tiempos en los que se desvanecen para muchos las lecciones aprendidas del pasado. La mirada atrás, a todo,  a la terrible postguerra, así como a las ejecuciones de los años 1974 y 1975, había forjado en los ciudadanos y sus responsables políticos la firme convicción de renunciar a la violencia en la vida política y a la pena de muerte, y así lo proclamó el artículo 15  de la Constitución cuando tras enunciar el derecho a la vida, a la integridad física y moral y la proscripción de la tortura, declaró abolida la pena de muerte…..

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Entrevista en «El Abogado» (México)

Creada en 1949, la Sociedad Internacional de Defensa Social ha procurado ofrecer respuestas a los problemas ligados a la criminalidad, poniendo el acento en una política criminal humanista, que toma como eje el respeto a la dignidad del ser humano, procurando que los instrumentos penales sean respetuosos de sus derechos. De ella nos habla su presidente, Luis Arroyo Zapatero.

portada el mundo del abogado_Página_2¿Cuál es el objetivo de la creación de la Sociedad Internacional de Defensa Social?

Es la primera Sociedad científica en materia penal que se creó sin prejuicios ideológicos sobre el libre albedrio y para  una lucha eficaz contra la delincuencia y un sistema de reacciones penales  orientadas  a la resocialización del delincuente. Es  lo que llamamos hoy una política criminal humanista.

Debe recordarse que la SIDS se crea en la inmediata postguerra europea, cuando todavía estaban tibios los crematorios, las ciudades destruidas y más de 40 millones de personas desplazadas y sin hogar, cientos de miles de huérfanos y un formidable incremento de la delincuencia en general y de la violencia criminal tanto en países alejados de la brutalidad de la guerra.

Si en países neutrales se incrementó la delincuencia de modo notable, como en Suecia y Suiza, en países en guerra pero alejados del frente y de las violencias de las violaciones se incrementaron en un 50% y la delincuencia juvenil en un 40%. En los países en los que se vivió en directo la ruptura de los  tabúes del no matarás y del no robarás, los que fueron testigos, víctimas y protagonistas de lo inhumano, la ola criminal y la inseguridad pública eran el problema más relevante tras el de la alimentación.

Como en los que fueron escenario de lo inhumano Por numerosas razones la cuestión penal se convierte en uno de las primeras preocupaciones de las recién creadas Naciones Unidas, quien llega a adoptar una política en materia penal cuya competencia atribuye a una administración que llega a llamar “ Branch  de defensa social”.

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Delitos y penas en El Quijote

Delitos y penas en el Quijote 

Luis Arroyo Zapatero

No fue Cervantes ni jurista ni menos criminalista, pero fue buen conocedor de la justicia y de los criminales, conocimientos que plasmó con ingenio crítico -elevándose una vez más sobre  su época- en el propio Quijote y en no pocas de sus demás obras.

El más apropiado texto para un penalista es sin duda el Capítulo vigésimosegundo  de la Primera Parte, el “de la libertad que dio Don Quijote a muchos desdichados que, mal de su grado, los llevaban donde no quisieran ir”, es decir, el Capítulo de los galeotes, capítulo de sabrosa enjundia, munición de boca para las enfrentadas ideologías de los cervantistas al discurrir sobre el pensamiento político de Cervantes1 y, por si fuera poco, y en la autorizada opinión de Rodríguez Marín2, quizás no haya en el Quijote otro capítulo que ofrezca tantas dificultades para su buena inteligencia.

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